top of page

Comment mettre en place une méthode de travail efficace ? Pourquoi travailler lentement ?

Dernière mise à jour : 1 avr.


En tant que professeurs, nous passons notre temps à répéter à nos élèves qu'il faut travailler lentement. Mais pourquoi la pratique lente est-elle importante dans l'apprentissage musical ? Elle permet l'amélioration de la précision, la réduction des erreurs, l'augmentation de la confiance en soi et l'apprentissage de nouvelles compétences. Vous trouverez des éléments clefs de compréhension technique, mais aussi des conseils d'application pratique qui vous aideront dans votre pratique au quotidien. Cette méthode de travail vous aidera à optimiser votre temps de travail efficacement.



Jouer lentement, oui. Mais quoi ?


Il peut être intéressant de jouer votre morceau ou exercice en entier, pour travailler l'enchaînement et avoir une idée d'ensemble de votre partition (cela veut dire enchaîner du début à la fin, sans s'arrêter quoi qu'il arrive !). C'est un entraînement à pratiquer très souvent. On oublie tellement souvent de travailler les enchaînements... Pourtant, nous apprenons souvent des passages que nous recollons mal ensemble, sans vision globale. Et avec un peu de stress, par exemple le jour J en public, ou tout simplement devant son professeur, on ne comprend pas pourquoi on est incapable de jouer sans s'arrêter. Ce sont les frais d'une mauvaise méthode de travail, où l'habitude n'est pas prise de jouer régulièrement d'un seul tenant.

En gardant cela à l'esprit, je vous encourage cependant à diviser toute votre partition en petits passages. Cela peut être 2, 4, 8 mesures... A vous de voir, suivant le morceau et votre maîtrise technique. Commencez par repérer les passages les plus difficiles. Évitons de toujours démarrer notre session de travail quotidienne par le début de la partition à chaque fois. Mettons d'abord en oeuvre les passages plus délicats et appliquons-nous à les répéter ainsi plus souvent. Ensuite, nous pourrons travailler des passages plus longs, et particulièrement travailler les charnières entre ces wagons décortiqués afin de pouvoir enchaîner notre morceau avec aisance et facilité.



Petite astuce optimiser votre temps de travail : Il est préférable de travailler 20 à 30 minutes très concentré, plutôt que 1 heure moins intensément. Moins de 10 minutes, ce n'est pas recommandé. Car il nous faut 10 à 15 minutes pour se concentrer et arriver à un mode de travail efficace. Si vous sentez que vous perdez votre concentration, que vous n'êtes plus assez impliqué ou que vous sortez du bon état d'esprit, ce n'est pas grave. Arrêtez un moment, changez-vous les idées, vous reprendrez quand ce sera possible. Il est important de rester vigilant à garder le bon état d'esprit pour travailler efficacement et dans le plaisir.


Commençons donc par les passages difficiles lentement, mais à quel tempo ?


Vous êtes le seul à pouvoir répondre à cette question. Cela dépend de plusieurs facteurs. Votre tempo doit être adapté de façon à jouer le passage parfaitement, en parfaite situation de contrôle. Sur le plan technique tout doit être en place (régularité, rythme, justesse, précision de l'archet notamment sur les places d'archet...). Musicalement, tous les éléments doivent être présents (nuances, sonorité, articulation, phrasé, expression...).

Mais en plus de cela, le musicien doit être dans un état d'esprit particulier : pouvoir tout anticiper dans le calme, sans pression. Chaque mouvement physique doit être pensé, anticipé et actionné sans hésitations, ni rectifications. La clef, c'est que l'action doit être fluide. A partir du moment où le corps bouge, son mouvement doit être net, articulé, précis, sans concession sur d'éventuelles rectifications : c'est le mouvement parfait. Tant que vous faites des erreurs, c'est que la vitesse est trop rapide. J'entends par "erreurs" toutes les petites imperfections auxquelles on ne prête pas attention lors d'un tempo rapide et qui ressortent si on les écoute à un tempo très lent. N'hésitez pas à baisser drastiquement la vitesse pour trouver le bon tempo qui vous conviendra.



Spoiler alert : Tous mes étudiants sans exception essaient toujours de jouer à une vitesse trop rapide, malgré mes avertissements. La bonne vitesse est souvent une vitesse très très lente. Ce n'est pas un problème. C'est la vitesse dans laquelle vous êtes à l'aise et il n'y a aucune pression à se mettre vis-à-vis de ce tempo, du moment qu'il est régulier ! Pour cela, il vous faut un métronome. Un travail sans régularité ne peut pas fonctionner véritablement. Cela reste de l'à peu près sans l'exigence requise d'un cadre rythmique. J'insiste sur ce point. Vous ne pouvez contrôler votre morceau et être dans une maîtrise technique si vous n'avez pas travaillé avec un apport de régularité (métronome auditif, visuel, enregistrement... il existe plein de méthodes possibles que je peux détailler dans un prochain article). Quand on écoute jouer quelqu'un sans cadre rythmique, il aura beau être le plus merveilleux musicien possible, on se sent malgré tout très vite mal à l'aise et déstabilisé s'il n'a pas un cadre rythmique stable, s'il n'a pas une bonne régularité dans sa pulsation.


L'état d'esprit, la marque des musiciens qui communiquent avec expression leur musicalité. Qu'est-ce que ça veut dire, le "bon" état d'esprit ?


Il faut avoir le bon mood, le bon état d'esprit pour travailler. Il doit y avoir une forme de plaisir, de satisfaction à ce mode de jeu. Le fait de jouer lentement, de tout contrôler, de pouvoir tout anticiper amène une sensation de bien-être et de plénitude... une sérénité qui est très importante dans la démarche du travail. Chaque chose est à sa place et au bon moment. Si cette sérénité ne vous habite pas : l'ancrage du travail, sa mémorisation mais aussi son efficacité en sera amoindrie. Peut-être la vitesse est-elle trop rapide encore ? Mettez-vous toute votre attention sur la perfection de votre jeu ? Avez-vous peut-être des pensées parasites qui ne vous permettent pas de profiter de ce moment présent ? Travaillez à un moment qui vous est profitable, où votre esprit est libre de préoccupations. Si ce n'est pas le cas, commencez par un exercice qui vous permet de vous vider l'esprit.


Mon moment préféré : Ce qui fonctionne bien chez moi, ce sont les cordes à vide. J'aime ce moment hors du temps et de l'espace où je me concentre, yeux fermés sur la vibration de mon son. Toute l'attention de mon être est concentrée sur ce point d'impact, cet angle de connexion entre la mèche de mon archet et les cordes de mon violon. Je laisse la vibration créée se propager dans mon corps. Je reste à l'écoute et en réceptivité des différentes fréquences. C'est un moment de méditation personnel où mes préoccupations quotidiennes passent en second plan et où je profite de la plénitude du son, jusqu'à une sensation de perfection et de bain sonore. A chacun de trouver l'exercice et l'état d'esprit qui lui correspond parfaitement...


Une fois que vous avez trouvé le bon état d'esprit, il reste à rajouter une cohérence dans le caractère : un lien entre l'esprit du passage que vous travaillez et le mouvement physique. Si vous êtes dans un passage lyrique, très legato, astreignez-vous à exagérer le mouvement fluide, très doux que vous produirez par exemple avec le bras droit (je ne cite que cet exemple précis, mais la main gauche doit aussi s'adapter à la bonne énergie). Pensez toujours que l'émotion que vous voulez véhiculer musicalement est une émotion qui doit être vécue aussi par le corps ! Si vous tenez à interpréter un moment doux, vos mouvements doivent faire transparaître cette émotion de douceur... Ce n'est pas parce que vous pensez et ressentez la douceur, que le legato arrivera naturellement... Il faut que le mouvement s'exagère dans un premier temps, s'amplifie et se vive pleinement dans le corps physique pour pouvoir être naturellement exprimé.


Attention, malgré la lenteur, vous devez déjà jouer dans le caractère, l'énergie, les nuances, les doigtés, les changements de cordes, les places d'archet... etc. du tempo définitif. Ce tempo lent n'est pas une fin en soi, mais une préparation efficace à l'objectif à atteindre de votre morceau. Cet objectif est à atteindre graduellement : vous pouvez augmenter la vitesse (toujours avec métronome !) mais sans complaisance aucune. Votre rigueur et votre attention doivent être constantes afin de ne pas subir l'augmentation de tempo et garder ainsi un jeu précis et anticipé.




En conclusion...


On parle souvent de la répétition, de la théorie des 10 000 heures (le temps qu'il faudrait pour maîtriser une technique)... Il est important de persévérer et d'aborder avec patience le travail personnel dans la lenteur.


Les exercices techniques courts sont très efficaces pour se genre de travail. Je pense à une gamme simple, mais parfaite sur une octave. Ou encore à des exercices de Sevcik (opus 1 ou opus 3), d'Auer (volume 1 ou volume 2), ou encore de Schradieck. Ou bien un cahier de Dezaire si on veut travailler une position en particulier... Ou même des petits morceaux de Wohlfahrt. L'intérêt est de prendre un morceau adapté à son niveau technique : très simple et court à travailler. C'est ce qui vous donnera les meilleurs résultats. Sevcik opus 1 https://amzn.to/4cx5NXX Sevcik opus 3 https://amzn.to/4caAUIo Etudes de Wohlfahrt https://amzn.to/3FNJfFU Je posterai quelques partitions en ce sens prochainement dans le blog pour que vous puissiez trouver de quoi vous entraîner, pour tous les niveaux.

Les progrès ne sont pas toujours évidents au début, mais ils arrivent avec une pratique régulière, méthodique et efficace. N'oubliez pas que la pratique est primordiale pour connecter et faire corps avec son instrument. Certes, la répétition (intelligente et efficace !) est importante. Mais la façon de le faire et la mise en place d'objectifs autres permet une évolution de sa technique musicale. Il ne s'agit plus seulement de maîtriser son jeu, mais au musicien de s'exprimer avec liberté, de communiquer et transmettre ses émotions.


Je vous encourage à lire ce merveilleux ouvrage de Dominique Hoppenot, "Le violon intérieur" qui fait extraordinairement le lien entre technique et expression. Cet ouvrage offre une vision très personnelle et libératrice sur l'état d'esprit nécessaire au jeu musical.
Si cela vous intéresse, vous pouvez le trouver notamment ici : https://amzn.to/4hZStwj


Je vous souhaite beaucoup de plaisir dans cette approche sensible du travail personnel. Et aussi de gagner en efficacité dans vos méthodes de travail :)

Je vous laisse avec cette citation de Perlman, très à propos...


"Il faut toujours pratiquer lentement. Si vous apprenez quelque chose lentement, vous l'oubliez lentement ; si vous apprenez quelque chose très rapidement, vous l'oubliez immédiatement." Perlman

Musicalement, Maylis Messagier




Comments


bottom of page